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AVRIL 2024 – Le Monde diplomatique | 2 NOUVELLE LIVRAISON DE « MANIÈRE DE VOIR » Fantasme de la ruée migratoire L’EXTRÊME droite gagne du terrain au Parlement, quand elle ne s’invite pas au gouvernement. En Europe, mais pas seulement. Car un spectre hante l’Occident, celui d’un déferlement de populations en quête d’allocations familiales ou de logements sociaux, au point que le débat public finit par opposer tenants de l’« immigration zéro » et partisans de la « remigration ». Dans les faits, selon l’Organisation des Nations unies (ONU), plus de 280 millions de personnes vivaient dans un autre pays que le leur en 2020, presque deux fois plus qu’en 1990. Parmi elles, 45 millions ont obtenu le statut de réfugié et, qu’elles aient été arrachées à leur terre par la guerre ou les persécutions, leur nombre aussi ne cesse de progresser. Mais, incapables de questionner leurs responsabilités dans la dégradation des conditions de vie au Sud et la multiplication des conflits internationaux, les pays du Nord s’évertuent à ériger des barrières toujours plus infranchissables – pour le plus grand bonheur des passeurs, qui peuvent ainsi monnayer grassement leurs services. Doté d’un riche appareil cartographique, le nouveau numéro de Manière de voir (1) entend penser non seulement l’immigration, c’est-à-dire les migrants tels qu’ils sont accueillis dans leur pays d’arrivée, mais aussi l’émigration, les causes des départs, leurs effets économiques et sociaux sur les pays d’origine. Son premier chapitre raconte l’expérience des exilés. Qui sont-ils, d’où viennentils ? Et pourquoi bravent-ils autant de périls dans l’espoir de rallier des pays pourtant si peu enclins à les accueillir ? La deuxième partie décrit l’éventail des I G R AT I O N I M M I R 1 9 4 I È R E D E VO M A N ilary Balu : H Image Illusions, confrontations, instrumentalisations IMMIGR ATION stratégies déployées pour décourager ceux qui voudraient franchir les frontières. Construction de murs, financement de campagnes d’information pour dissuader les candidats au départ, technologisation de la surveillance, recours à l’armée… : les moyens mobilisés sont divers, mais ils ont en commun d’échouer à stopper les flux de populations. Dans un contexte où l’exil vaut souvent survie, les migrants continuent de tenter leur chance. En dépit de l’âpreté du déracinement, que raconte la dernière partie, des obstacles qui jalonnent les processus de régularisation, de la persistance des a priori et du racisme. Avec, malgré tout, la lueur d’un espoir, au bout de ce chemin, la réussite d’une intégration, dont l’histoire a montré qu’elle était parsemée d’embûches. (1) « Immigration. Illusions, confrontations, instrumentalisations », Manière de voir, n° 194, avrilmai 2024, en kiosques et sur notre site. COURRIER DES LECTEURS Astronautes À la suite de l’article « Comment fut inventé l’astronaute » (février), M. François Saint Lage r, professeur dans le secondaire en Belgique, livre ses ré flexions sur les conséquences de la privatisation croissante des vols spatiaux : L’intérêt d’envoyer des humains dans l’espace peut certes à l’avenir poser question avec l’emploi de l’intelligence artificielle. Mais la privatisation de l’« exploration » spatiale ouvre de nouvelles perspectives sur au moins deux plans : d’abord, le crépuscule de la volonté, après la seconde guerre mondiale, de rendre neutre diplomatiquement l’espace, un bien collectif commun de l’humanité ; et, naturellement, ensuite, sa transformation désormais en un « espace » commercial ouvert à l’exploitation touristique pour une très petite minorité. Dans ce contexte, le voyageur spatial ne sera plus un être sélectionné en fonction de qualités requises, qu’elles soient physiologiques ou autres, comme le démontre très bien l’article, mais celui qui sera en mesure de paye r. Sartre ou Camus ? M. Emmanuel Bonbon réagit à l’article « Et Sartre définit le génocide » (mars) en regrettant que perdure l’opposition entre l’auteur de « La Nausée » et Albert Camus : Jeune, j’ai découvert Jean-Paul Sartre avec sa pièce de théâtre Le Diable et le Bon Dieu que j’ai lue plusieurs fois. Plus récemment, j’ai découvert Albert Camus en lisant Noces à Tipasa. Né au bord de la Méditerranée, j’ai été bouleversé qu’il ait pu décrire avant même ma naissance ce que je ressentirais trente ans plus tard au bord de la mer. Je partageai récemment ce texte avec un ami d’origine algérienne qui me dit : « Certains grands poètes algériens considèrent qu’il parle mieux qu’eux-mêmes de leur pays. » Certes, d’âpres polémiques ont eu lieu entre les deux hommes et un bon moyen de s’en faire une idée est de lire leurs échanges. Mais voilà, en France, il se trouve des gens (de droite ?) pour utiliser Camus contre Sartre, et des gens (de gauche ?) pour utiliser Sartre contre Camus. La mode favorise aujourd’hui Camus ?… Il fut un temps où citer Camus passait pour un acte de bourgeoisie rétrograde. Les modes passent et passeront. Les textes et les grands auteurs resteront. Transnistrie Réagissant à l’article « Une Ukraine de plus en plus homogène » (mars), M. Christian Canac fait le lien avec les travaux de la géohistorienne Béatrice von Hirschhausen, notamment son ouvrage « Les Provinces du temps » (CNRS Éditions, 2023), qui traite, entre autres, de l’influence contemporaine des frontières historiques en Europe centrale : Que ce soit en Pologne, Roumanie, Allemagne de l’Est, Serbie-Croatie, Ukraine, les investigations générales ou sur des territoires particuliers de Béatrice von Hirschhausen font apparaître des frontières fantômes qui donnent à voir le dessin des empires passés. Par exemple, en Ukraine, les cartes électorales des scrutins législatifs de 2012 révèlent une structuration régionale des résultats selon un gradient est-ouest avec des votes majoritairement prorusses en Crimée et dans le Donbass et nettement proeuropéens en Galicie. En Roumanie, son enquête auprès d’un panel contrasté de villages lui permet de mieux comprendre pourquoi la géographie des logements non équipés de robinets en 2002, et encore en 2011, met en évidence le passé austro-hongrois des territoires situés au nord et ottoman de ceux du sud et de l’est. ATERMOIEMENTS Depuis la mi-février, les débats sur une nouvelle vague de mobilisations s’enlisent au Parlement ukrainien. Le Kyiv Post (21 mars) impute ces tergiversations au parti présidentiel et interroge la crédibilité de Kiev vis-à-vis de ses bailleurs étrangers. [Dans sa version actuelle, le projet de loi] propose d’abaisser l’âge de la conscription de 27 à 25 ans et ajoute de nouvelles sanctions contre ceux qui se soustraient à la conscription – y compris une augmentation significative des amendes. Ceux qui ont servi trente-six mois sans interruption – dont un an à un an et demi en première ligne – seraient démobilisés. (…) Quelque 4 300 amendements, pour la plupart proposés par le parti Serviteur du peuple du président Volodymyr Zelensk y, retardent le processus. Seuls 1 505 d’entre eux ont été examinés. De plus en plus de questions sont soulevées en Allemagne, et ailleurs à l’étranger, sur les raisons de ces manœuvres dilatoires. Il fut même un temps où la commission parlementaire chargée d’examiner le projet de loi ne traitait qu’un seul amendement par jour. (…) Aucun des législateurs interrogés n’était disposé à prédire dans combien de temps la version finale du projet de loi sera examinée par le Parlement. L’EFFET TRUMP Inquiète d’une invasion russe et des menaces de M. Donald Trump de ne plus défendre les membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) qui ne dépensent pas suffisamment pour leur sécurité, la Pologne joue au bon élève (The Wall Street Journal, 2 mars). Au cours des deux dernières années, la Pologne a acheté pour 50 milliards de dollars d’équipements militaires aux États-Unis, notamment des hélicoptères Apache, des lance-roquettes avancés Himars et une nouvelle génération de radars aéroportés. Elle avait déjà conclu l’acquisition de chasseurs F-35. À eux seuls, les contrats d’armement de la dernière année fiscale ont représenté la moitié des ventes militaires américaines à l’étranger, selon les données du département d’État, ce qui fait de la Pologne le premier acheteur mondial d’armes américaines au cours de cette période. Varsovie a également signé d’importants accords commerciaux avec de grandes entreprises américaines (…). Les Polonais considèrent ce choix comme une décision froidement rationnelle qui aligne leurs intérêts sécuritaires sur les intérêts économiques américains. DROIT INALIÉNABLE La Chine a apporté son soutien au droit des Palestiniens à « prendre les armes » contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, comme le rapporte le site Thecradle.co (22 février 2024). « Dans sa poursuite du droit à l’autodétermination, [le peuple palestinien a le droit de] recourir à la force pour résister à l’oppression étrangère et pour achever la création de l’État palestinien », a déclaré M. Ma Xinmin, conseiller juridique du ministère des affaires étrangères chinois, à la Cour le 22 février. Citant des exemples de « divers peuples [qui] se sont libérés de la domination coloniale » par la résistance armée, M. Xinmin a affirmé que les actes de résistance contre l’occupation israélienne n’étaient « pas du terrorisme », mais une lutte armée légitime et un « droit inaliénable ». « De nombreuses autres résolutions reconnaissent la légitimité de la lutte par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée des peuples sous domination coloniale ou sous occupation étrangère pour réaliser le droit à l’autodétermination », a déclaré le responsable chinois. Informez-vous, abonnez-vous ...et contribuez à l’indépendance du Monde diplomatique 1 AN - 12 NUMÉROS POUR 59 € INCLUS DANS VOTRE ABONNEMENT Le Monde diplomatique chaque mois en version papier + L’accès aux versions numériques + 2 ans d’archives du Monde diplomatique + Les articles en version audio Offre réservée aux particuliers jusqu’au 30/09/2024 pour un premier abonnement en France métropolitaine. Entreprises et étranger : nous consulter. 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Courriel ........................................................................... J’accepte de recevoir des offres du Monde diplomatique : Oui ¡ Non ¡ J’accepte de recevoir des offres des partenaires du Monde diplomatique : Oui ¡ Non ¡ PLUS SIMPLE, PLUS RAPIDE www.monde-diplomatique.fr/abo ou téléphonez au 03 21 13 04 32 (du lundi au samedi, de 9 heures à 18 heures) Soignants étrangers Notre dossier « La santé à la casse » (février) a suscité de nombreuses réactions. M. Benoît Schiltz revient sur l’augmentation du nombre de soignants étrangers dans les établissements français et fait le parallèle avec la présence importante en Belgique d’étudiants français en médecine : En Belgique, dans les amphis d’études de kinésithérapeute, 30 % des étudiants sont français. La même situation se retrouve dans les écoles d’infirmières, de dentistes et de vétérinaires. Dans le contexte de la libre circulation des personnes dans l’Union européenne, le contingentement est difficile. La Belgique est un pays de plus de onze millions d’habitants, mais la partie francophone – où se concentrent exclusivement les étudiants français – ne compte que quatre millions d’habitants, et son système d’éducation est indépendant du système flamand. On parle donc d’une petite communauté qui doit financer, seule et sans contrepartie, la formation d’une partie des soignants français. (…) La Belgique s’enrichit et s’enorgueillit d’accueillir ces jeunes et ces patients, mais il est triste de se rendre compte que la France, en plus de précariser ses propres forces vives thérapeutiques, met en danger les systèmes de soins et d’éducation de ses (plus petits) voisins. Vous souhaitez réagir à l’un de nos articles : Courrier des lecteurs, 1, av. Stephen-Pichon 75013 Paris ou courrier@monde-diplomatique.fr Rectificatifs – Dans le graphique de l’article « Éviter l’autoritarisme climatique » (mars), les émissions de CO2 par habitant en 2021 sont en kilogrammes et non en tonnes ; par ailleurs, l’Uruguay est présenté comme ayant un revenu par habitant d’environ 70 000 dollars en 2021, alors qu’il est d’environ 18 000 dollars. – Deux erreurs se sont glissées dans l’article « Le legs des Manouchian » (mars) : le recueil L’Honneur des poètes n’est pas de Robert Desnos, mais ce dernier, comme précisé plus loin dans l’article, y a publié deux poèmes ; Manouchian et ses camarades ne sont pas morts « sous les balles de la police vichyste », mais sous celles d’un détachement allemand – après leur arrestation par les brigades spéciales de Vich y. Édité par la SA Le Monde diplomatique. Actionnaires : Société éditrice du Monde, Association Gunter Holzmann, Les Amis du Monde diplomatique 1, avenue Stephen-Pichon, 75013 Paris Tél. : 01-53-94-96-01. Télécopieur : 01-53-94-96-26 Courriel : secretariat@monde-diplomatique.fr Site Internet : www.monde-diplomatique.fr Directoire : Benoît BRÉVILLE, président, directeur de la publication Anne-Cécile ROBERT, directrice adjointe Autres membres : Vincent CARON, Élodie COURATIER, Pierre RIMBERT Conseiller éditorial auprès du directeur de la publication : Serge HALIMI Conseiller en finance et développement auprès du directoire : Bruno LOMBARD Secrétaire générale : Anne CALLAIT-CHAVANEL Directeur de la rédaction : Benoît BRÉVILLE Rédacteur en chef : Akram BELKAÏD Rédacteurs en chef adjoints : Evelyne PIEILLER, Grégory RZEPSKI Cheffes d’édition : Angélique MOUNIER-KUHN (Manière de voir), Anne-Lise THOMASSON (Le Monde diplomatique) Rédaction : Philippe DESCAMPS, Renaud LAMBERT, Hélène RICHARD, Pierre RIMBERT, Anne-Cécile ROBERT Cartographie : Cécile MARIN Site Internet : Guillaume BAROU Conception artistique : Nina HLACER, Boris SÉMÉNIAKO (avec la collaboration de Delphine LACROIX pour l’iconographie) Archives et données numériques : Suzy GAIDOZ, Maria IERARDI Mise en pages et photogravure : Jérôme GRILLIÈRE, Patrick PUECH-WILHEM Correction : Dominique MARTEL, Xavier MONTHÉARD Directeur commercial et administratif : Vincent CARON Directrice des relations sociales : Élodie COURATIER Responsable du contrôle de gestion : Zaïa SAHALI Administration : Sophie DURAND-NGÔ (9674), Sylvia DUNCKEL (9621), Eleonora FALETTI (9601) Courriel : prenom.nom@monde-diplomatique.fr Fondateur : Hubert BEUVE-MÉRY. 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3 | LE MONDE diplomatique – AVRIL 2024 DE quOi la « DématérialisatiON » DEs sErvicEs publics Est-EllE lE NOm ? Les déshumanisateurs En octobre 2022, le gouvernement français annonçait la réouverture de cinq sous-préfectures. Mais, dans l’ensemble, les services publics tendent plutôt à fermer, à limiter les heures de réception des usagers ou à ne plus répondre au téléphone. À la place, il y a l’administration numérique, ses plates -formes qui rendent fou – «Erreur 404. La page que vous cherchez semble introuvable » –, ses applications qui excluent, et ses algorithmes intrusifs . Par Simon Arambourou * D’abOrD, on a informatisé. Dans les années 1980, en France et ailleurs, l’ali- gnement du public sur le privé conduit à doter les fonctionnaires de micro-or- dinateurs qui contribuent à mesurer leur productivité. Depuis les années 2000, on numérise. En principe au bénéfice de la qualité du service public rendu à l’usager ; en réalité pour abaisser son coût. Contrai- rement à ce que prétendent leurs tenants, la numérisation comme la « dématériali- sation » visent surtout à réaliser des éco- nomies. Ou à lutter contre la fraude, avec pour corollaire une complexification des démarches, en particulier de celles exigées des plus précaires. Revenu de solidarité active (RSA), allocation aux adultes handicapés (AAH), allocations familiales ou aides au logement : les prestations des caisses d’allocations familiales (CAF) profitent à trente-deux millions de personnes. Depuis 2010, à partir des données provenant des connexions aux sites, des réponses aux formulaires électroniques ou des échanges de courriels, un algorithme attribue à ces foyers un score de suspicion. Plusieurs circonstances augmentent la note – être au chômage ou au RSA, habiter un quartier déf avorisé… – jusqu’au seuil qui déclenche le contrôle (1). Le montant total récupéré en 2022, y compris les indus versés à la suite d’erreurs d’usagers perdus face aux multiples critères et pièces justificatives exigés pour percevoir les minima sociaux, ne représente qu’un centième des prestations versées (2). Mais la politique de surveillance algorithmique et la peur qu’elle inspire se traduisent par des économies indirectes. Car nombre d’usagers renoncent à leurs droits plutôt que de subir des contrôles toujours plus intrusifs et de rendre des comptes toujours plus compliqués : cette motivation expliquait un cas sur cinq de non-recours aux prestations sociales en 2021, contre moins d’un cas sur dix en 2016 (3). La « dématérialisation » contribue ainsi à limiter l’accès aux services publics à une partie de la population. De par leur formation initiale, leurs expériences professionnelles et leur équipement personnel de qualité, les cadres et professions intellectuelles supérieures apprécient de pouvoir effectuer leurs démarches en ligne sans se rendre à un guichet. À d’autres catégories, l’État dématérialisé inflige une double peine. Moins diplômées et moins outillées, elles se retrouvent parfois dans des situations instables qui exigent un surcroît de justificatifs, une habileté hors pair pour dialoguer avec la machine ainsi qu’une familiarité avec le langage administratif. Ces conditions appelleraient logiquement l’accompagnement d’un humain, une hypothèse rendue de plus en plus improbable par la réduction des horaires d’accueil et la suppression de nombreuses antennes réalisées au nom de… la numérisation. Multiplication des parasites LEs services publics en ligne se tra- duisent par une baisse générale de la qualité et contribuent à renforcer l’iso- lement des plus précaires, et tout par- ticulièrement des huit à neuf millions de Français de plus de 15 ans frappés d’illectronisme. Seulement 60 % des non-diplômés et 76 % des bénéficiaires de minima sociaux disposent d’un accès Internet à domicile, contre 95 % des diplômés du supérieur (4), si bien que le numérique constitue pour les plus pré- caires « un obstacle sur le chemin des droits sociaux », comme le rappelait la défenseure des droits dans son rapport de 2022 consacré à la « dématérialisa- tion » des services publics (5). d’abord de nombreux appels d’offres remportés par des sociétés qui proposent un vaste catalogue de prestations, allant du cadrage de projet jusqu’au développement de portails et autres plates-formes. Certaines facturent non seulement le développement d’un outil numérique mais aussi sa coûteuse maintenance pendant plusieurs années. L’entreprise Opendatasoft a ainsi raflé la mise sur le marché des données publiques, dont l’accès comptait au nombre des obligations fixées par la loi pour une République numérique d’octobre 2016. Capgemini a perçu 8 millions d’euros pour développer un outil de « dématérialisation » des plaintes qui fut un échec, quand McKinsey s’est contenté de 3,88 millions d’euros pour un logiciel consacré aux allocations-logement souffrant de nombreux défauts (6). À la figure de l’usager rendu fou de colère ou de désespoir devant son écran s’oppose celle de l’entrepreneur ravi d’identifier de nouvelles sources de revenus dans cet accès entravé aux services publics. Car la numérisation implique * Haut fonctionnaire. Comble d’ironie d’une numérisation née de la promesse d’éradication des acteurs intermédiaires perçus comme des parasites, l’État en ligne a favorisé IS PA R , I C H O U I E A N N E S A R A H B É N G A L E R - . C O M . A L E X A N D E R M A S S O U R A S W W W ALEXANDER MASSOURAS. – « New Hermes » (Nouvel Hermès), 2016 leur multiplication. Face à des démarches de plus en plus fastidieuses, des règles toujours plus incompréhensibles, des horaires d’ouverture tarabiscotés et des agents publics invisibles, des entreprises proposent, moyennant paiement, d’engager les démarches à la place des usagers ou plus simplement d’identifier les aides auxquelles ils ont droit. et mise à disposition gratuitement par l’État, bénéficie du soutien de la banque publique d’investissement (BPI France). Dans la vitrine électronique du prestataire, on trouve également un programme de « coaching » facturé 1 300 euros mais « pris en charge à 100 % par l’État », sans autre précision sur les conditions de cette prise en charge. Dans d’autres secteurs encore, la « dématérialisation » combinée aux réductions de personnel favorise l’apparition d’une forme de marché noir des services publics digne de pays en développement : pour 30 à 500 euros, des étrangers souhaitant faire renouveler leur titre de séjour peuvent acheter illégalement des créneaux en préfecture (7). Il y a à peine vingt ans, des acteurs privés qui auraient proposé aux bénéficiaires de minima sociaux d’identifier les prestations auxquelles ils ont droit, moyennant un pourcentage du montant obtenu, auraient relevé de la dystopie. Tel est aujourd’hui le modèle de Wizbii, dont la commission s’élève à 4 % (8). Le mouvement dépasse largement les frontières de l’Hexagone. En 1999, la poste britannique a entendu numériser sa comptabilité. À cause des défaillances du logiciel de caisse « Horizon » – conçu par une entreprise japonaise –, 3 500 employés furent accusés de malversations, 800 condamnés dont 200 emprisonnés. Quatre se donnèrent la mort. Plus récemment, en Australie, un robot a expédié entre 2015 et 2019 plus de 440 000 demandes de remboursement à des ménages suspectés par la machine – au terme de calculs aberrants – d’avoir trop perçu des services sociaux. Après le suicide de plusieurs usagers, une commission officielle a déclaré le système illégal (9). Aux Pays-Bas, plus de 26 000 familles, souvent parmi les pauvres, ont été injustement accusées de fraude par un algorithme attribuant, lui aussi, un score de risque plus élevé aux familles immigrées (10). Depuis la fermeture à l’automne 2017 des guichets préfectoraux de carte grise et de permis de conduire et la création de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), nombre d’usagers se sentent perdus. Des prestataires privés dont les sites arborent une apparence officielle réalisent ces démarches à leur place, mais de manière payante. Leur succès repose sur un fonctionnement moins contraignant que celui de l’ANTS (absence de support technique, obligation de paiement par carte bancaire, obligation d’ouvrir un compte FranceConnect, etc.). La création de la plate-forme d’admission Parcoursup en 2018 fut également une aubaine pour une myriade d’acteurs qui débroussaillent le maquis de la bureaucratie libérale : contre une somme de 300 à 1 500 euros, leur palette de services va du suivi de l’inscription administrative à la rédaction de « projets motivés », en passant par la sélection des vœux. De même, les multiples réformes des retraites, associées aux suppressions de postes et à la réduction du nombre d’agences, ont ouvert la voie aux cabinets de conseil retraite. Jouant sur le caractère anxiogène de cette période de la vie, sur les difficultés à obtenir un rendez-vous, ainsi que sur les erreurs possibles dans le calcul de la pension, ces officines proposent aux futurs retraités des bilans de retraite ou un accompagnement à la liquidation de la pension, pour des tarifs compris entre 300 et 6 000 euros – en partie déductibles des impôts. Autant de services naguère rendus gratuitement par des agents publics. Quelques intermédiaires ont flairé le potentiel de marché offert par le nonrecours. Moyennant 29,90 euros de frais d’inscription auxquels s’ajoutent des frais d’abonnement trimestriels du même montant, Mes-allocs.fr identifie les aides auxquelles l’abonné peut prétendre et l’accompagne dans ses démarches pour les obtenir. Cette entreprise, dont le développement doit beaucoup à la solution logicielle OpenFisca, développée Réduite au seul usage de « cheval de Troie de l’offensive néolibérale », pour reprendre les mots de M. Alston, et abandonnée à l’avidité des prestataires privés, elle amplif ie la dislocation de la société. La colère devant des portes closes Au-DElà de ces scandales, qui ont conduit à la chute des gouvernements australien et néerlandais, la mise en place d’un État social numérique pré- sente des risques si élevés que l’an- cien rapporteur spécial de l’Organisa- tion des Nations unies sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, M. Philip Alston, a recommandé de « cesser de se focaliser sur la fraude, les économies, les sanctions et l’effi- cacité telles que définies par le mar- ché pour se recentrer sur l’essentiel, à savoir comment tirer parti des tech- nologies pour que les budgets alloués à la protection sociale permettent aux personnes vulnérables et défavo- risées de jouir d’un meilleur niveau de vie (11). » La numérisation n’est qu’un outil. Développée dans le giron de la puissance publique, dotée de moyens humains, soumise au contrôle des usagers et utilisée au service du bien commun, elle pourrait faciliter la vie des gens et le travail des fonctionnaires. Car la « dématérialisation » n’est sous sa forme actuelle que le nom acceptable de la déshumanisation. Elle n’a pas seulement dégradé les services publics, enrichi des startupeurs et appauvri la collectivité : elle inflige aux plus fragiles, que l’État était censé servir, humiliation, frustration, et exacerbe ainsi le sentiment de perte de contrôle qu’éprouve une part croissante des populations contre « ceux qui ont décidé ça ». Faut-il ignorer la colère et le désarroi qu’inspirent portes closes ou applications défaillantes ? L’envie rageuse, parfois, que ses promoteurs expérimentent la « dématérialisation », et ses effets très matériels, non plus depuis leurs beaux bureaux mais aux guichets d’aide à l’illectronisme qu’ils auraient dû créer ? (1) La Quadrature du Net, « Notation des allocataires : l’indécence des pratiques de la CAF désormais indéniable », 27 novembre 2023, www. laquadrature.net (2) « Résultats 2022 des CAF en matière de lutte contre la fraude », communiqué de presse du 5 juin 2023, www.caf.fr (3) Lire Hadrien Clouet, Vincent Dubois, Jean-Marie Pillon, Luc Sigalo Santos et Claire Vivès, Chômeurs, vos papiers !, Raisons d’agir, Paris, 2023, et Claudine Pirus, « Prestations sociales : pour quatre personnes sur dix, le nonrecours est principalement lié au manque d’information », Études et résultats, n° 1263, Paris, avril 2023. (4) Solen Berhuet, Patricia Croutte et Radmila Datsenko, « Améliorer la connaissance et le suivi de la pauvreté et de l’exclusion sociale », Centre de recherche pour l’étude et l’obser vation des conditions de vie, Paris, novembre 2021. (5) Lire Serge Halimi, « Maltraitance institutionnelle », Le Monde diplomatique, mars 2022. (6) Cour des comptes, «Audit flash relatif au programme Scribe », juillet 2022, www.ccomptes.fr ; Clotilde Mathieu, « Bugs et privatisation rampante : la numérisation accélérée des services publics tourne au fiasco », L’Humanité, Saint-Denis, 23 octobre 2022 ; Maxime Vaudano, « Cabinets de conseil : Capgemini, le coûteux prestataire dont l’État ne sait plus se passer », Le Monde, 4 juillet 2022 ; Raphaëlle Aubert et Léa Sanchez, « Comment Opendatasoft est devenue l’acteur incontournable de l’ouverture des données publiques », Le Monde, 6 mars 2024. (7) Cassuto Karen, « Business et arnaques autour des rendez-vous de naturalisation à la préfecture de Haute-Garonne », https://france3-regions. francetvinfo.fr, 4 décembre 2020. (8) Laura Fernandez Rodriguez, « Services publics : quand dématérialisation rime avec marchandisation », La Gazette des Communes, Paris, 31 janvier 2022. (9) Mathilde Saliou, « Australie : la commission royale étrille les responsables du système de robotdette », Next, 17 juillet 2023, www.next.ink, (10) Doaa Abu Elyounes, « Why the resignation of the Dutch government is a good reminder of how important it is to monitor and regulate algorithms », 10 février 2021, https://medium.com (11) Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, « World stumbling zombie-like into a digital welfare dystopia, warns UN human rights expert », New York, 17 octobre 2019.

AVRIL 2024 – Le Monde diplomatique | 2

NOUVELLE LIVRAISON DE « MANIÈRE DE VOIR »

Fantasme de la ruée migratoire

L’EXTRÊME droite gagne du terrain au Parlement, quand elle ne s’invite pas au gouvernement. En Europe, mais pas seulement. Car un spectre hante l’Occident, celui d’un déferlement de populations en quête d’allocations familiales ou de logements sociaux, au point que le débat public finit par opposer tenants de l’« immigration zéro » et partisans de la « remigration ».

Dans les faits, selon l’Organisation des Nations unies (ONU), plus de 280 millions de personnes vivaient dans un autre pays que le leur en 2020, presque deux fois plus qu’en 1990. Parmi elles, 45 millions ont obtenu le statut de réfugié et, qu’elles aient été arrachées à leur terre par la guerre ou les persécutions, leur nombre aussi ne cesse de progresser. Mais, incapables de questionner leurs responsabilités dans la dégradation des conditions de vie au Sud et la multiplication des conflits internationaux, les pays du Nord s’évertuent à ériger des barrières toujours plus infranchissables – pour le plus grand bonheur des passeurs, qui peuvent ainsi monnayer grassement leurs services.

Doté d’un riche appareil cartographique, le nouveau numéro de Manière de voir (1) entend penser non seulement l’immigration, c’est-à-dire les migrants tels qu’ils sont accueillis dans leur pays d’arrivée, mais aussi l’émigration, les causes des départs, leurs effets économiques et sociaux sur les pays d’origine. Son premier chapitre raconte l’expérience des exilés. Qui sont-ils, d’où viennentils ? Et pourquoi bravent-ils autant de périls dans l’espoir de rallier des pays pourtant si peu enclins à les accueillir ? La deuxième partie décrit l’éventail des

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Illusions, confrontations,

instrumentalisations

IMMIGR ATION

stratégies déployées pour décourager ceux qui voudraient franchir les frontières. Construction de murs, financement de campagnes d’information pour dissuader les candidats au départ, technologisation de la surveillance, recours à l’armée… : les moyens mobilisés sont divers, mais ils ont en commun d’échouer à stopper les flux de populations. Dans un contexte où l’exil vaut souvent survie, les migrants continuent de tenter leur chance. En dépit de l’âpreté du déracinement, que raconte la dernière partie, des obstacles qui jalonnent les processus de régularisation, de la persistance des a priori et du racisme. Avec, malgré tout, la lueur d’un espoir, au bout de ce chemin, la réussite d’une intégration, dont l’histoire a montré qu’elle était parsemée d’embûches.

(1) « Immigration. Illusions, confrontations, instrumentalisations », Manière de voir, n° 194, avrilmai 2024, en kiosques et sur notre site.

COURRIER DES LECTEURS

Astronautes À la suite de l’article « Comment fut inventé l’astronaute » (février), M. François Saint Lage r, professeur dans le secondaire en Belgique, livre ses ré flexions sur les conséquences de la privatisation croissante des vols spatiaux : L’intérêt d’envoyer des humains dans l’espace peut certes à l’avenir poser question avec l’emploi de l’intelligence artificielle. Mais la privatisation de l’« exploration » spatiale ouvre de nouvelles perspectives sur au moins deux plans : d’abord, le crépuscule de la volonté, après la seconde guerre mondiale, de rendre neutre diplomatiquement l’espace, un bien collectif commun de l’humanité ; et, naturellement, ensuite, sa transformation désormais en un « espace » commercial ouvert à l’exploitation touristique pour une très petite minorité. Dans ce contexte, le voyageur spatial ne sera plus un être sélectionné en fonction de qualités requises, qu’elles soient physiologiques ou autres, comme le démontre très bien l’article, mais celui qui sera en mesure de paye r.

Sartre ou Camus ? M. Emmanuel Bonbon réagit à l’article « Et Sartre définit le génocide » (mars) en regrettant que perdure l’opposition entre l’auteur de « La Nausée » et Albert Camus : Jeune, j’ai découvert Jean-Paul Sartre avec sa pièce de théâtre Le Diable et le Bon Dieu que j’ai lue plusieurs fois. Plus récemment, j’ai découvert Albert Camus en lisant Noces à Tipasa. Né au bord de la Méditerranée, j’ai été bouleversé qu’il ait pu décrire avant même ma naissance ce que je ressentirais trente ans plus tard au bord de la mer. Je partageai récemment ce texte avec un ami d’origine algérienne qui me dit : « Certains grands poètes algériens considèrent qu’il parle mieux qu’eux-mêmes de leur pays. » Certes, d’âpres polémiques ont eu lieu entre les deux hommes et un bon moyen de s’en faire une idée est de lire leurs échanges. Mais voilà, en France, il se trouve des gens (de droite ?) pour utiliser Camus contre Sartre, et des gens (de gauche ?) pour utiliser Sartre contre Camus. La mode favorise aujourd’hui Camus ?… Il fut un temps où citer Camus passait pour un acte de bourgeoisie rétrograde.

Les modes passent et passeront. Les textes et les grands auteurs resteront.

Transnistrie Réagissant à l’article « Une Ukraine de plus en plus homogène » (mars), M. Christian Canac fait le lien avec les travaux de la géohistorienne Béatrice von Hirschhausen, notamment son ouvrage « Les Provinces du temps » (CNRS Éditions, 2023), qui traite, entre autres, de l’influence contemporaine des frontières historiques en Europe centrale : Que ce soit en Pologne, Roumanie, Allemagne de l’Est, Serbie-Croatie, Ukraine, les investigations générales ou sur des territoires particuliers de Béatrice von Hirschhausen font apparaître des frontières fantômes qui donnent à voir le dessin des empires passés. Par exemple, en Ukraine, les cartes électorales des scrutins législatifs de 2012 révèlent une structuration régionale des résultats selon un gradient est-ouest avec des votes majoritairement prorusses en Crimée et dans le Donbass et nettement proeuropéens en Galicie. En Roumanie, son enquête auprès d’un panel contrasté de villages lui permet de mieux comprendre pourquoi la géographie des logements non équipés de robinets en 2002, et encore en 2011, met en évidence le passé austro-hongrois des territoires situés au nord et ottoman de ceux du sud et de l’est.

ATERMOIEMENTS Depuis la mi-février, les débats sur une nouvelle vague de mobilisations s’enlisent au Parlement ukrainien. Le Kyiv Post (21 mars) impute ces tergiversations au parti présidentiel et interroge la crédibilité de Kiev vis-à-vis de ses bailleurs étrangers. [Dans sa version actuelle, le projet de loi] propose d’abaisser l’âge de la conscription de 27 à 25 ans et ajoute de nouvelles sanctions contre ceux qui se soustraient à la conscription – y compris une augmentation significative des amendes. Ceux qui ont servi trente-six mois sans interruption – dont un an à un an et demi en première ligne – seraient démobilisés. (…) Quelque 4 300 amendements, pour la plupart proposés par le parti Serviteur du peuple du président Volodymyr Zelensk y, retardent le processus. Seuls 1 505 d’entre eux ont été examinés. De plus en plus de questions sont soulevées en Allemagne, et ailleurs à l’étranger, sur les raisons de ces manœuvres dilatoires. Il fut même un temps où la commission parlementaire chargée d’examiner le projet de loi ne traitait qu’un seul amendement par jour. (…) Aucun des législateurs interrogés n’était disposé à prédire dans combien de temps la version finale du projet de loi sera examinée par le Parlement.

L’EFFET TRUMP

Inquiète d’une invasion russe et des menaces de M. Donald Trump de ne plus défendre les membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) qui ne dépensent pas suffisamment pour leur sécurité, la Pologne joue au bon élève (The Wall Street Journal, 2 mars). Au cours des deux dernières années, la Pologne a acheté pour 50 milliards de dollars d’équipements militaires aux États-Unis, notamment des hélicoptères Apache, des lance-roquettes avancés Himars et une nouvelle génération de radars aéroportés. Elle avait déjà conclu l’acquisition de chasseurs F-35. À eux seuls, les contrats d’armement de la dernière année fiscale ont représenté la moitié des ventes militaires américaines à l’étranger, selon les données du département d’État, ce qui fait de la Pologne le premier acheteur mondial d’armes américaines au cours de cette période. Varsovie a également signé d’importants accords commerciaux avec de grandes entreprises américaines (…). Les Polonais considèrent ce choix comme une décision froidement rationnelle qui aligne leurs intérêts sécuritaires sur les intérêts économiques américains.

DROIT INALIÉNABLE

La Chine a apporté son soutien au droit des Palestiniens à « prendre les armes » contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, comme le rapporte le site Thecradle.co (22 février 2024).

« Dans sa poursuite du droit à l’autodétermination, [le peuple palestinien a le droit de] recourir à la force pour résister à l’oppression étrangère et pour achever la création de l’État palestinien », a déclaré M. Ma Xinmin, conseiller juridique du ministère des affaires étrangères chinois, à la Cour le 22 février. Citant des exemples de « divers peuples [qui] se sont libérés de la domination coloniale » par la résistance armée, M. Xinmin a affirmé que les actes de résistance contre l’occupation israélienne n’étaient « pas du terrorisme », mais une lutte armée légitime et un « droit inaliénable ».

« De nombreuses autres résolutions reconnaissent la légitimité de la lutte par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée des peuples sous domination coloniale ou sous occupation étrangère pour réaliser le droit à l’autodétermination », a déclaré le responsable chinois.

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Soignants étrangers Notre dossier « La santé à la casse » (février) a suscité de nombreuses réactions. M. Benoît Schiltz revient sur l’augmentation du nombre de soignants étrangers dans les établissements français et fait le parallèle avec la présence importante en Belgique d’étudiants français en médecine : En Belgique, dans les amphis d’études de kinésithérapeute, 30 % des étudiants sont français. La même situation se retrouve dans les écoles d’infirmières, de dentistes et de vétérinaires. Dans le contexte de la libre circulation des personnes dans l’Union européenne, le contingentement est difficile. La Belgique est un pays de plus de onze millions d’habitants, mais la partie francophone – où se concentrent exclusivement les étudiants français – ne compte que quatre millions d’habitants, et son système d’éducation est indépendant du système flamand. On parle donc d’une petite communauté qui doit financer, seule et sans contrepartie, la formation d’une partie des soignants français. (…) La Belgique s’enrichit et s’enorgueillit d’accueillir ces jeunes et ces patients, mais il est triste de se rendre compte que la France, en plus de précariser ses propres forces vives thérapeutiques, met en danger les systèmes de soins et d’éducation de ses (plus petits) voisins.

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Rectificatifs

– Dans le graphique de l’article « Éviter l’autoritarisme climatique » (mars), les émissions de CO2 par habitant en 2021 sont en kilogrammes et non en tonnes ; par ailleurs, l’Uruguay est présenté comme ayant un revenu par habitant d’environ 70 000 dollars en 2021, alors qu’il est d’environ 18 000 dollars. – Deux erreurs se sont glissées dans l’article « Le legs des Manouchian » (mars) : le recueil L’Honneur des poètes n’est pas de Robert Desnos, mais ce dernier, comme précisé plus loin dans l’article, y a publié deux poèmes ; Manouchian et ses camarades ne sont pas morts « sous les balles de la police vichyste », mais sous celles d’un détachement allemand – après leur arrestation par les brigades spéciales de Vich y.

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