AVRIL 2024 – Le Monde diplomatique | 2
NOUVELLE LIVRAISON DE « MANIÈRE DE VOIR »
Fantasme de la ruée migratoire
L’EXTRÊME droite gagne du terrain au Parlement, quand elle ne s’invite pas au gouvernement. En Europe, mais pas seulement. Car un spectre hante l’Occident, celui d’un déferlement de populations en quête d’allocations familiales ou de logements sociaux, au point que le débat public finit par opposer tenants de l’« immigration zéro » et partisans de la « remigration ».
Dans les faits, selon l’Organisation des Nations unies (ONU), plus de 280 millions de personnes vivaient dans un autre pays que le leur en 2020, presque deux fois plus qu’en 1990. Parmi elles, 45 millions ont obtenu le statut de réfugié et, qu’elles aient été arrachées à leur terre par la guerre ou les persécutions, leur nombre aussi ne cesse de progresser. Mais, incapables de questionner leurs responsabilités dans la dégradation des conditions de vie au Sud et la multiplication des conflits internationaux, les pays du Nord s’évertuent à ériger des barrières toujours plus infranchissables – pour le plus grand bonheur des passeurs, qui peuvent ainsi monnayer grassement leurs services.
Doté d’un riche appareil cartographique, le nouveau numéro de Manière de voir (1) entend penser non seulement l’immigration, c’est-à-dire les migrants tels qu’ils sont accueillis dans leur pays d’arrivée, mais aussi l’émigration, les causes des départs, leurs effets économiques et sociaux sur les pays d’origine. Son premier chapitre raconte l’expérience des exilés. Qui sont-ils, d’où viennentils ? Et pourquoi bravent-ils autant de périls dans l’espoir de rallier des pays pourtant si peu enclins à les accueillir ? La deuxième partie décrit l’éventail des
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Illusions, confrontations,
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IMMIGR ATION
stratégies déployées pour décourager ceux qui voudraient franchir les frontières. Construction de murs, financement de campagnes d’information pour dissuader les candidats au départ, technologisation de la surveillance, recours à l’armée… : les moyens mobilisés sont divers, mais ils ont en commun d’échouer à stopper les flux de populations. Dans un contexte où l’exil vaut souvent survie, les migrants continuent de tenter leur chance. En dépit de l’âpreté du déracinement, que raconte la dernière partie, des obstacles qui jalonnent les processus de régularisation, de la persistance des a priori et du racisme. Avec, malgré tout, la lueur d’un espoir, au bout de ce chemin, la réussite d’une intégration, dont l’histoire a montré qu’elle était parsemée d’embûches.
(1) « Immigration. Illusions, confrontations, instrumentalisations », Manière de voir, n° 194, avrilmai 2024, en kiosques et sur notre site.
COURRIER DES LECTEURS
Astronautes À la suite de l’article « Comment fut inventé l’astronaute » (février), M. François Saint Lage r, professeur dans le secondaire en Belgique, livre ses ré flexions sur les conséquences de la privatisation croissante des vols spatiaux : L’intérêt d’envoyer des humains dans l’espace peut certes à l’avenir poser question avec l’emploi de l’intelligence artificielle. Mais la privatisation de l’« exploration » spatiale ouvre de nouvelles perspectives sur au moins deux plans : d’abord, le crépuscule de la volonté, après la seconde guerre mondiale, de rendre neutre diplomatiquement l’espace, un bien collectif commun de l’humanité ; et, naturellement, ensuite, sa transformation désormais en un « espace » commercial ouvert à l’exploitation touristique pour une très petite minorité. Dans ce contexte, le voyageur spatial ne sera plus un être sélectionné en fonction de qualités requises, qu’elles soient physiologiques ou autres, comme le démontre très bien l’article, mais celui qui sera en mesure de paye r.
Sartre ou Camus ? M. Emmanuel Bonbon réagit à l’article « Et Sartre définit le génocide » (mars) en regrettant que perdure l’opposition entre l’auteur de « La Nausée » et Albert Camus : Jeune, j’ai découvert Jean-Paul Sartre avec sa pièce de théâtre Le Diable et le Bon Dieu que j’ai lue plusieurs fois. Plus récemment, j’ai découvert Albert Camus en lisant Noces à Tipasa. Né au bord de la Méditerranée, j’ai été bouleversé qu’il ait pu décrire avant même ma naissance ce que je ressentirais trente ans plus tard au bord de la mer. Je partageai récemment ce texte avec un ami d’origine algérienne qui me dit : « Certains grands poètes algériens considèrent qu’il parle mieux qu’eux-mêmes de leur pays. » Certes, d’âpres polémiques ont eu lieu entre les deux hommes et un bon moyen de s’en faire une idée est de lire leurs échanges. Mais voilà, en France, il se trouve des gens (de droite ?) pour utiliser Camus contre Sartre, et des gens (de gauche ?) pour utiliser Sartre contre Camus. La mode favorise aujourd’hui Camus ?… Il fut un temps où citer Camus passait pour un acte de bourgeoisie rétrograde.
Les modes passent et passeront. Les textes et les grands auteurs resteront.
Transnistrie Réagissant à l’article « Une Ukraine de plus en plus homogène » (mars), M. Christian Canac fait le lien avec les travaux de la géohistorienne Béatrice von Hirschhausen, notamment son ouvrage « Les Provinces du temps » (CNRS Éditions, 2023), qui traite, entre autres, de l’influence contemporaine des frontières historiques en Europe centrale : Que ce soit en Pologne, Roumanie, Allemagne de l’Est, Serbie-Croatie, Ukraine, les investigations générales ou sur des territoires particuliers de Béatrice von Hirschhausen font apparaître des frontières fantômes qui donnent à voir le dessin des empires passés. Par exemple, en Ukraine, les cartes électorales des scrutins législatifs de 2012 révèlent une structuration régionale des résultats selon un gradient est-ouest avec des votes majoritairement prorusses en Crimée et dans le Donbass et nettement proeuropéens en Galicie. En Roumanie, son enquête auprès d’un panel contrasté de villages lui permet de mieux comprendre pourquoi la géographie des logements non équipés de robinets en 2002, et encore en 2011, met en évidence le passé austro-hongrois des territoires situés au nord et ottoman de ceux du sud et de l’est.
ATERMOIEMENTS Depuis la mi-février, les débats sur une nouvelle vague de mobilisations s’enlisent au Parlement ukrainien. Le Kyiv Post (21 mars) impute ces tergiversations au parti présidentiel et interroge la crédibilité de Kiev vis-à-vis de ses bailleurs étrangers. [Dans sa version actuelle, le projet de loi] propose d’abaisser l’âge de la conscription de 27 à 25 ans et ajoute de nouvelles sanctions contre ceux qui se soustraient à la conscription – y compris une augmentation significative des amendes. Ceux qui ont servi trente-six mois sans interruption – dont un an à un an et demi en première ligne – seraient démobilisés. (…) Quelque 4 300 amendements, pour la plupart proposés par le parti Serviteur du peuple du président Volodymyr Zelensk y, retardent le processus. Seuls 1 505 d’entre eux ont été examinés. De plus en plus de questions sont soulevées en Allemagne, et ailleurs à l’étranger, sur les raisons de ces manœuvres dilatoires. Il fut même un temps où la commission parlementaire chargée d’examiner le projet de loi ne traitait qu’un seul amendement par jour. (…) Aucun des législateurs interrogés n’était disposé à prédire dans combien de temps la version finale du projet de loi sera examinée par le Parlement.
L’EFFET TRUMP
Inquiète d’une invasion russe et des menaces de M. Donald Trump de ne plus défendre les membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) qui ne dépensent pas suffisamment pour leur sécurité, la Pologne joue au bon élève (The Wall Street Journal, 2 mars). Au cours des deux dernières années, la Pologne a acheté pour 50 milliards de dollars d’équipements militaires aux États-Unis, notamment des hélicoptères Apache, des lance-roquettes avancés Himars et une nouvelle génération de radars aéroportés. Elle avait déjà conclu l’acquisition de chasseurs F-35. À eux seuls, les contrats d’armement de la dernière année fiscale ont représenté la moitié des ventes militaires américaines à l’étranger, selon les données du département d’État, ce qui fait de la Pologne le premier acheteur mondial d’armes américaines au cours de cette période. Varsovie a également signé d’importants accords commerciaux avec de grandes entreprises américaines (…). Les Polonais considèrent ce choix comme une décision froidement rationnelle qui aligne leurs intérêts sécuritaires sur les intérêts économiques américains.
DROIT INALIÉNABLE
La Chine a apporté son soutien au droit des Palestiniens à « prendre les armes » contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, comme le rapporte le site Thecradle.co (22 février 2024).
« Dans sa poursuite du droit à l’autodétermination, [le peuple palestinien a le droit de] recourir à la force pour résister à l’oppression étrangère et pour achever la création de l’État palestinien », a déclaré M. Ma Xinmin, conseiller juridique du ministère des affaires étrangères chinois, à la Cour le 22 février. Citant des exemples de « divers peuples [qui] se sont libérés de la domination coloniale » par la résistance armée, M. Xinmin a affirmé que les actes de résistance contre l’occupation israélienne n’étaient « pas du terrorisme », mais une lutte armée légitime et un « droit inaliénable ».
« De nombreuses autres résolutions reconnaissent la légitimité de la lutte par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée des peuples sous domination coloniale ou sous occupation étrangère pour réaliser le droit à l’autodétermination », a déclaré le responsable chinois.
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Soignants étrangers Notre dossier « La santé à la casse » (février) a suscité de nombreuses réactions. M. Benoît Schiltz revient sur l’augmentation du nombre de soignants étrangers dans les établissements français et fait le parallèle avec la présence importante en Belgique d’étudiants français en médecine : En Belgique, dans les amphis d’études de kinésithérapeute, 30 % des étudiants sont français. La même situation se retrouve dans les écoles d’infirmières, de dentistes et de vétérinaires. Dans le contexte de la libre circulation des personnes dans l’Union européenne, le contingentement est difficile. La Belgique est un pays de plus de onze millions d’habitants, mais la partie francophone – où se concentrent exclusivement les étudiants français – ne compte que quatre millions d’habitants, et son système d’éducation est indépendant du système flamand. On parle donc d’une petite communauté qui doit financer, seule et sans contrepartie, la formation d’une partie des soignants français. (…) La Belgique s’enrichit et s’enorgueillit d’accueillir ces jeunes et ces patients, mais il est triste de se rendre compte que la France, en plus de précariser ses propres forces vives thérapeutiques, met en danger les systèmes de soins et d’éducation de ses (plus petits) voisins.
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Rectificatifs
– Dans le graphique de l’article « Éviter l’autoritarisme climatique » (mars), les émissions de CO2 par habitant en 2021 sont en kilogrammes et non en tonnes ; par ailleurs, l’Uruguay est présenté comme ayant un revenu par habitant d’environ 70 000 dollars en 2021, alors qu’il est d’environ 18 000 dollars. – Deux erreurs se sont glissées dans l’article « Le legs des Manouchian » (mars) : le recueil L’Honneur des poètes n’est pas de Robert Desnos, mais ce dernier, comme précisé plus loin dans l’article, y a publié deux poèmes ; Manouchian et ses camarades ne sont pas morts « sous les balles de la police vichyste », mais sous celles d’un détachement allemand – après leur arrestation par les brigades spéciales de Vich y.
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