OCTOBRE 2024 – L M diplomatique | 2
NOUVELLE L I V R A I S ON D E « MANIÈRE D E VO I R »
« L’Amérique d’abord » ? T
OUS les quatre ans, les citoyens américains se rendent aux urnes pour élire leur président et leur Congrès. Ce scrutin retient l’attention du monde entier car les États-Unis demeurent la plus grande puissance planétaire, et leurs péripéties électorales influent directement sur les grands dossiers internationaux, qu’ils soient géopolitiques, économiques ou culturels. Mais comment va l’empire au sortir de quatre années de présidence démocrate et d’une pandémie de coronavirus (Covid-19) particulièrement meurtrière (1,12 million de morts) ? Doit-il désormais composer avec l’essor de son rival chinois et l’émergence d’un « Sud global » dont les membres ne craignent plus de lui tenir tête ? En août 2021, le retrait soudain de ses troupes d’Afghanistan semait le doute quant à sa capacité d’imposer un diktat sous n’importe quelle latitude. Six mois plus tard, la Russie envahissait son voisin ukrainien et obligeait Washington à concentrer ses efforts et son aide militaire en faveur de Kiev. Ce conflit se poursuit et l’Amérique voit ses ambitions de renforcer son influence en Asie contrariées. Ailleurs, sa partialité pro-israélienne sape ses prétentions vertueuses à diriger un monde « fondé sur des règles ».
VU
Pratt/Agence
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Photo graph
ÉTATS-UNIS
L’empire fracturé
Cet immobilisme a pour conséquence la persistance d’une violence multiforme qu’analyse la deuxième partie. Défense acharnée du droit à posséder une arme – revendication que l’on retrouve aussi chez nombre de démocrates –, persistance du racisme hérité de la période esclavagiste, brutalités policières rarement sanctionnées par la justice, dégâts sociaux importants provoqués par divers trafics et addictions : l’Amérique n’en finit pas de se confronter à des démons qu’elle semble avoir intériorisés.
Doté d’un appareil cartographique important et de nombreux chiffres-clés, agrémenté par plusieurs œuvres iconographiques documentant, entre autres, les inégalités et les défis sociétaux de l’Amérique, le nouveau numéro de Manière de voir (1) ausculte un pays fracturé dont la vigueur économique cache mal les fêlures. Le premier chapitre décrit l’aggravation des divisions politiques, avec leur corollaire de discours de haine et de propagation d’un fort sentiment paranoïaque. Dans ce contexte, les idées socialistes se fraient diffi cilement un chemin au sein de la population, notamment au cœur de la jeunesse, mais la pesanteur des institutions, notamment celle de l’omniprésente Cour suprême, complique tout changement systémique.
Mais, comme le rappelle la troisième partie, la volonté de diriger les affaires du monde n’en demeure pas moins une priorité stratégique pour Washington. La tâche risque pourtant d’être ardue car les défis sont nombreux et la tentation isolationniste, notamment dans le camp républicain, est susceptible de modifier la donne si M. Donald Trump était élu en novembre. Son retour à la Maison Blanche pourrait entraîner une baisse du soutien militaire américain à l’Ukraine – à charge pour l’Europe d’y suppléer. À bien des égards, ce scrutin sera décisif pour l’avenir des États-Unis, de la démocratie en Amérique. Et pour celui de la planète.
(1) « États-Unis. L’empire fracturé », Manière de voir, no 197, octobre-novembre 2024, en kiosques, en librairies, dans l’application mobile et sur la boutique en ligne.
COURRIER DES LECTEURS
Guerre Réagissant au dossier « Proche-Orient, l’abîme » (septembre), M. Patrick Rion estime que l’un des acteurs majeurs des conflits qui ébranlent actuellement le monde (Gaza, Ukraine, Soudan, République démocratique du Congo, etc.) est trop souvent oublié :
De nombreux motifs sont avancés pour expliquer les conflits qui se déroulent sous nos yeux. On avance ainsi l’élément religieux ou ethnique, mais on occulte souvent des mobiles bien plus mercantiles. Car les premiers responsables de ces conflits sont les fabricants et marchands de canons. Cette industrie de l’armement est à neutraliser, et ses profits et bénéfices devraient être réinjectés de toute urgence dans les politiques destinées à garantir une survie de l’humanité que nous appelons de nos vœux tout en la rendant toujours plus improbable. Cette industrie-là n’est-elle pas le pilier de notre croissance et de nos profits ? Les menaces qu’elle peut faire peser dans le reste du monde ne garantissent-elles pas nos privilèges et nos emplois ? Nous savons que cette industrie donne la mort, mais nous nous disons que cette dernière est lointaine. Conviction que le conflit ukrainien oblige pourtant à relativiser.
Ta d j i k i s t a n Concernant l’article « La nation tadjike revisite le mythe aryen » de Judith Robert (septembre), M. Christian Canac regrette que l’héritage mongol n’ait pas été évoqué :
La Horde mongole a créé un empire nomade qui a laissé de nombreuses traces de son règne pendant trois siècles sur l’immense territoire de l’Eurasie s’étendant de la Mongolie à la Hongrie contemporaines. Certes, la logique d’une administration nomade n’est pas de transmettre un patrimoine mémoriel en héritage, en dépit des installations de drainage et d’irrigation pour les cités qu’elle développa le long des fleuves. En revanche, il s’agissait d’un véritable État, qui soutenait le commerce à longue distance. Vers 1300-1330, le Tadjikistan se situait entre routes du Nord et du Sud des grands échanges mongols. Durant ces trois siècles d’ascension et d’expansion, la Horde s’est transformée en plusieurs régimes qui régnèrent sur l’Asie centrale et occidentale. Alors, au carrefour de la civilisation persane et du monde arabo-musulman, on peut se demander dans quelle mesure la Horde, qui contribua à la création de la Russie moderne, n’a pas aussi laissé un héritage identitaire au Tadjikistan.
« Gauche conservatrice » M. Gauthier Delozière conteste l’analyse présentée dans l’article « Une nouvelle “gauche conservatrice” bouscule le jeu politique allemand » (septembre) de Pierre Rimbert et Peter Wahl :
Votre ligne défend une vision fantasmée : les « pauvres petits Blancs ouvriers » qui seraient le « véritable prolétariat » oublié par la « gauche progressiste ». Si un débat se pose certes sur la manière de s’adresser à certaines franges des classes populaires, cette position me semble aller à l’encontre d’un ensemble de travaux au sein des sciences sociales. D’abord, vous faites preuve d’une « blanchité méthodologique » en portant une vision réif iée des classes populaires, en leur prêtant soit des positions réactionnaires qu’elles n’ont pas nécessairement, soit en excluant les personnes racisées. Vous occultez ainsi à la fois la prégnance des rapports de race au sein des sociétés occidentales, mais également les transformations structurelles des « classes populaires ». Au f inal, cette non-reconnaissance dans l’articulation de l’en-
semble des rapports de domination (race, classe, genre) vous fait (une fois de plus, hélas) sombrer dans la défense de positions réactionnaires et (surtout) non radicales.
Rassemblement national M. Axel Bublik estime que l’article « Nous y sommes » de Benoît Bréville, Serge Halimi et Pierre Rimbert (juillet) n’aborde pas les vraies raisons de l’essor électoral du Rassemblement national :
Les flux migratoires et l’apparition sur notre territoire d’un islam radical ont permis au Rassemblement national (RN) d’en faire l’instrumentalisation. Mais qu’en est-il à gauche ? Quelle a été sa position et notamment sa réponse idéologique face à la violence religieuse qui a coûté tant de vies ? L’incapacité de la gauche à penser ces questions, la facilité avec laquelle certains mouvements d’extrême gauche ont favorisé les positions les plus radicales et ont totalement évacué les questions de fond (voile islamique, revendications communautaires, laïcité, droits et devoirs en société, équilibre des droits et libertés fondamentaux, etc.) au prof it d’une position purement idéaliste et dogmatique (être du côté des « opprimés » quoi qu’il en coûte) a largement contribué à décrédibiliser cette famille politique. L’abandon idéologique des sujets propres à la gauche – laïcité, universalisme, luttes sociales – et leur récupération par l’extrême droite en sont la preuve. Comment, sinon, expliquer le nombre de sympathisants RN à l’éducation nationale ou chez les ouvriers, bastions historiquement de gauche ?
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VALISE NON DIPLOMATIQUE
Le site China Media Project documente l’émergence d’un nouveau mot-valise en Chine et la façon dont il éclaire la lecture que fait Pékin de la situation internationale (10 septembre 2024). Un mot-valise composé des termes chinois pour « États-Unis » (mĕi guó) et pour « Occident » (xī fāng) – mĕi xī fāng ou « Occident américain » – offre une nouvelle façon de parler de Washington et de ses alliés de façon péjorative. Le terme implique que les alliés de Washington manquent de libre arbitre et le suivent aveuglément – non pas par intérêt commun, mais par crainte de froisser les États-Unis. Le Journal du peuple présente « Occident américain » comme « un vocable illustrant l’une des grandes évolutions du siècle, passée inaperçue », et comme l’un des termes préférés [du président chinois] Xi Jinping pour parler de géopolitique. (…) Les occurrences du terme sur les sites du Parti communiste chinois (PCC) sont passées de 457 en 2014 à plus de 37 600 au cours des neuf premiers mois de 2024.
FRISSONS Comment l’Indonésie est devenue le pays des films d’horreur (The Economist, 5 septembre).
Le nombre de films d’épouvante indonésiens produits chaque année est passé de moins de cinq dans les années 1990 à plus de quarante à partir de 2018. Après un déclin passager pendant la pandémie de Covid-19, l’industrie a repris du poil de la bête : cinquante longs-métrages ont été produits en Indonésie en 2023. (…) En 2022, neuf des quinze films indonésiens les plus vus étaient des films d’horreur. (…) La production cinématographique a failli s’éteindre dans les années 1990 en raison d’une récession, mais elle est revenue dans les années 2000. Une nouvelle génération de cinéastes est apparue, en partie inspirée par les films d’horreur japonais et thaïlandais. L’essor du streaming depuis une dizaine d’années a également contribué à l’avènement de cette nouvelle ère. Selon David Gregory, de Severin Films, une société de distribution américaine, les amateurs d’horreur trop habitués aux tropes habituels et aux thèmes chrétiens des films occidentaux apprécient les motifs alternatifs et les intrigues fondées sur l’islam de l’Indonésie.
STUPEUR ET TREMBLEMENT Deux journalistes du New York Times (3 septembre 2024) rapportent une découverte stupéfiante : les milieux libéraux cultivés gobent et propagent eux aussi des fausses informations.
Pendant des années, le débat sur la désinformation en ligne s’est focalisé sur les fausses informations circulant au sein de la droite américaine. Mais, ces dernières semaines, une vague de théories complotistes et de fausses histoires a déferlé à gauche. Certains chercheurs en désinformation craignent que cette nouvelle vague conspirationniste de gauche ne polarise davantage le discours politique avant les élections de novembre. Selon un sondage réalisé en juillet par Morning Consult, plus d’un tiers des partisans du président [Joseph] Biden pensent que la tentative d’assassinat de [Donald] Trump a pu être mise en scène. (…) Divers critiques et observatoires du journalisme ont étrillé des articles en ligne démystifiant les fake news de gauche au motif que le processus traditionnel de vérification des faits n’était pas adapté à la lutte contre les mensonges progressistes. (…) Snopes, le site Web de vérification des faits, s’est habitué à recevoir des messages réprobateurs lorsqu’il s’attaque à la désinformation de droite. Mais, depuis le début de la guerre à Gaza – et tout au long de la campagne présidentielle de cette année –, le site s’est retrouvé sur la sellette pour avoir vérifié et contredit des mensonges de gauche, selon Doreen Marchionni, directrice de la rédaction.
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